Comprendre pour parler, parler pour comprendre :
en quoi la compréhension du langage et des situations est-elle une question majeure pour l’oral ?
Sylvie PLANE
Sorbonne Université
Comparé à l’écrit, le langage oral est souvent perçu comme simple, pour deux raisons : d’une part, la faculté de parler est une caractéristique commune à tous les membres de l’espèce humaine, quel que soit le cadre culturel ; d’autre part, les premiers apprentissages du langage oral s’opèrent par le biais de l’acquisition spontanée, dans le contexte familial, contrairement aux apprentissages relatifs à l’écrit qui nécessitent un enseignement explicite assuré par l’école.
Mais les problèmes que rencontrent les élèves, à des niveaux divers et sous des formes différentes, montrent que la maitrise du langage oral n’a rien d’automatique, d’où l’intérêt de regarder de plus près les fonctionnements de l’oral dans ses aspects linguistiques, communicationnels et cognitifs.
En effet l’activité langagière, à l’écrit comme à l’oral, est extrêmement complexe et soumise à des contraintes de différentes natures, souvent antagonistes. Mais contrairement à l’écrit, l’activité langagière orale et les interactions ont pour particularité d’exiger de la part du locuteur qu’il s’engage dans des tâches de compréhension des énoncés entendus, sans disposer de délai pour cela ni de visibilité sur ces énoncés. Or pour que cette compréhension immédiate, indispensable, soit possible, il faut que le locuteur soit au clair sur les fonctionnements de la langue et de la communication.
Dès le plus jeune âge, l’enfant fait des tentatives pour comprendre les fonctionnements de la langue grâce au repérage de régularités et de contrastes dans l’ensemble des énoncés qu’il entend. Ces tentatives peuvent être constantes ou sporadiques, fructueuses ou non ; elles peuvent permettre d’engranger des savoirs et des habiletés, mais elles peuvent aussi se tarir dès qu’un seuil minimal de compréhension est atteint.
Il faut pourtant que, dans chaque échange langagier, le locuteur tâche de saisir à travers des énoncés singuliers, furtifs, normés ou non, à travers des mots dont le sens est souvent à négocier, à travers des accentuations, des silences, des gestes de son interlocuteur ce que celui-ci veut signifier, faire deviner ou parfois cacher. Il lui interpréter des postures pour identifier les places symboliques des participants à la communication et s’approprier des codes propres à chaque communauté langagière.
Il faut également que le locuteur, même si cela peut paraitre bizarre, exerce ses facultés de compréhension à l’égard de ses propres propos, car le discours qu’il tient s’efface sitôt prononcé et il lui faut donc user de stratégie pour en maintenir la cohérence, d’autant que ce discours doit s’ajuster avec les paroles de son interlocuteur.
Mais parler c’est aussi, en cherchant ses mots, tâcher de comprendre quelque chose qu’on ne comprenait pas avant de le mettre en mots. C’est construire des représentations, des idées, tâtonner pour mettre de l’ordre dans ses pensées, établir des représentations, des relations, donner de la réalité à des choses abstraites comme les sentiments.
Parler engage donc la compréhension à plusieurs niveaux : la compréhension du langage que l’on va utiliser ou entendre et qui contient ses pièges et ses subtilités, la compréhension des rapports interpersonnels qui s’instaurent et évoluent au cours des échanges, la compréhension de ce qui se joue dans la scène du dialogue. Mais c’est aussi un moyen puissant pour explorer une question et tâcher de la comprendre. Cela engage donc une réflexion sur la norme linguistique, sur la temporalité, sur la prise de risque et sur les formes de médiation.
Publications de Sylvie PLANE sur l’oral, pour la formation
Plane S. (2020) « La place incertaine de l’oral dans l’enseignement » Inter-CDI 286-87,6-11
Plane S. (2020) « Comment favoriser le travail de l’oral dans toutes les disciplines ? ». Animation et éducation 274, 20-21
Plane S. (2019) « L’oral, un objet multidimensionnel » ; IFE Conférence, en ligne
http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/education-au-plurilinguisme/conference-sylvie-plane
Plane S. (2020) « Que signifie « enseigner » en maternelle ? Une organisation et des gestes professionnels conditionnés par l’âge des « enfants-élèves » ». Administration et éducation 168,103-108.
https://www.cairn.info/revue-administration-et-education-2020-4-page-103.htm
Plane S. (2015) « Pourquoi l’oral doit-il être enseigné ? » Les Cahiers Pédagogiques
http://www.cahiers-pedagogiques.com/Pourquoi-l-oral-doit-il-etre-enseigne
Garcia-Debanc C. & Plane S. (Eds.) (2004) Comment enseigner l’oral à l’école primaire. Hatier.
Articles de recherche de Sylvie PLANE sur l’oral
Plane S. (2020) « D’une parole individuelle à une dynamique argumentative collective ». Études de linguistique appliquée 198,149-162
Plane S. (Ed.) (2010) De l’activité langagière dans la classe aux gestes professionnels de l’enseignant. Travail et Formation en Éducation 5. http://tfe.revues.org/1013
Plane S. & Cappeau P. (2008) « Aspects de l’hétérogénéité discursive dans des explications d’experts ». In C. Hudelot, A. Salazar-Orvig, E. Veneziano (Eds) L’explication : enjeux cognitifs et interactionnels. Leuwen : Peeters, 293-306
Plane S. & Garcia-Debanc C. (2007) « L’oral : un objet qui se dérobe à l’analyse. Difficultés méthodologiques pour l’étude de l’oral dans les recherches en didactique du français langue première ». La lettre de l’AIRDF 40, 20-25 https://www.persee.fr/doc/airdf_1776-7784_2007_num_40_1_1732
Plane S. (2002) « Invariants et variables didactiques dans l’enseignement de l’oral ». In M. Valdinoci & J.-M. Pottier (Eds) L’oral, objet et vecteur d’apprentissage. CRDP de Champagne-Ardenne, 9-25.
Plane S. (2001) « Deux dimensions du travail oral : construction sociale, construction cognitive ». In M. Grandaty & G. Turco (Eds.) L’oral dans la classe – Discours, métadiscours et construction de savoirs. INRP, 196-232.
Éléments de bibliographie sur l’oral
- Numéros de revues consacrés à l’oral
Animation et éducation n° 274, janvier- février 2020, « Enseigner l’oral qui structure la pensée »
Les cahiers pédagogiques n°553, mars 2019, « Pédagogie de l’oral »
Les cahiers pédagogiques n°538, juin 2017, « La parole des élèves »
Le français Aujourd’hui n°195, 2016 « L’oral en question(s) »
Le français Aujourd’hui n°146, 2004, « Oral, le rapport à l’autre »
Pratiques n°177-178, 2018, « Langage oral à l’école maternelle. Étude d’un corpus homogène »
Repères n°54, 2016, « L’oral à l’école : qu’apprend-on et comment ? »
- Ouvrages de didactique consacrés à l’oral
Dolz J. & Schneuwly B. (2016) Pour un enseignement de l’oral. Initiation aux genres formels à l’oral. ESF
De Pietro J-F, Fisher C. & Gagnon R.(Dir.) (2017) L’oral aujourd’hui : perspectives didactiques. Presses universitaires de Namur
Halté J-F & Rispail M. (Dir.) (2005) L’oral dans la classe. Compétences, enseignement, activités. L’Harmattan
Péroz P. (2010) Apprentissage du langage oral à l’école maternelle. CRDP de Lorraine