Les Rased menacés de réorientation ministérielle
Le Café Pédagogique du 4 janvier 2022 ©
Le management va t-il venir à bout des difficultés scolaires ? C’est en tous cas à une rationalisation managériale de l’aide apportée aux élèves en difficultés qu’appelle le rapport de l’inspecteur général Christian Wassenberg. Il recommande d’encadrer fortement les Rased pour pouvoir leur donner de nouvelles missions en modifiant leurs obligations de service. Le Collectif national Rased craint une altération considérable de ces missions.
Un fonctionnement traditionnel…
Le rapport de Christian Wassenberg ne manque pas de couvrir d’éloges les Rased, ces réseaux d’aide aux élèves en difficultés regroupant des psychologues et des professeurs des écoles spécialisés. Le rapport souligne « l’engagement » des maitres des Rased et évoque « la reconnaissance dont ils jouissent auprès de leurs collègues directeurs et enseignants des classes ordinaires. Les échos recueillis auprès des parents d’élèves attestent également l’implication des RASED dans une communication de qualité à leur égard ». Il est vrai que sur le terrain les Rased sont la seule aide dont peuvent bénéficier des enseignants débordés par des élèves à problèmes. Le rapport aurait pu ajouter que les maitres des Rased sont aussi souvent fort appréciés des élèves.
Passé cet hommage le rapport souligne tout ce qui ne va pas. « La tendance générale reste à la prise en charge des élèves en dehors de la classe en petits groupes : la co-intervention, tout en étant souvent mentionnée comme préférable dans les consignes des IEN, ne convainc pas réellement », notent les inspecteurs. « La conséquence souvent observée par la mission d’une prise en charge extérieure à la classe est le déficit de communication avec l’enseignant de la classe autour des démarches mises en oeuvre hors de sa vue et des outils spécifiques utilisés avec l’élève ». Le rapport évoque « un fonctionnement resté par endroit « traditionnel » et cloisonné et recueillir l’impression des acteurs d’être parfois désorientés, débordés, de manquer de moyens pour faire face à toutes les demandes d’aide émanant des écoles, de ne pouvoir agir suffisamment de manière préventive, d’avoir à effectuer un « saupoudrage » inefficace ».
Un pilotage à reconsidérer
C’est que pour les auteurs, « l’inclusion scolaire a progressé sans conteste au cours des dix dernières années… apparaissent de nouveaux défis à relever, liés à la complexification des
problématiques sociétales et, partant, à l’obligation de définir de nouveaux périmètres et partenariats d’action. Face à ce défi, il y a nécessité de clarifier toujours et encore les différentes formes de mise en oeuvre de l’aide aux élèves vulnérables – les RASED devant être considérés à la fois dans leur spécificité et comme faisant partie intégrante de cette stratégie ».
Pour le rapport, « le pilotage des Rased mérite d’être reconsidéré », leur fonctionnement « diverge sensiblement d’une circonscription à l’autre ». D’autre part « l’évaluation des effets produits par l’action des Rased doit gagner en harmonisation et en formalisation… La caractérisation de la valeur ajoutée apportée par les Rased reste imprécise ».
Se dessine ainsi une réforme des Rased qui s’inspire de la mise en place des Pial pour les AESH. Le rapport veut « donner davantage de lisibilité et de visibilité au pilotage ».
« Une nouvelle circulaire ministérielle devrait permettre de formaliser, eu égard à l’évolution du paysage éducatif en France au cours de ces dernières années, la manière dont l’action des RASED est appelée à évoluer – sous une autre appellation si cela est jugé opportun – pour s’inscrire précisément, en parfaite cohérence, de manière systémique, complémentaire et souple dans l’ensemble des modalités d’accompagnement des élèves présentant des signes de vulnérabilité…. Il paraît nécessaire de donner, aux niveaux départemental et académique, une lisibilité plus grande sur la nature et l’emploi des moyens mobilisés au titre de l’école inclusive ».
Les Rased chargés de former les enseignants au lieu de les aider
Il s’agit de rapprocher les Rased des circonscriptions, sous l’autorité de l’IEN qui définirait leurs missions. « Tout IEN devrait pouvoir éditer une feuille de route au RASED de sa circonscription et apporter ainsi la garantie d’un pilotage explicite pour l’ensemble des personnels travaillant sous son autorité. Cette feuille de route consisterait en une déclinaison – adaptée aux particularités de la circonscription – d’un certain nombre d’invariants : les modalités d’intégration des RASED au pôle ressource ; les différentes missions et fonctions des RASED – en faisant un sort particulier à leur rôle de personne ressource – et les modalités de saisine à appliquer par les enseignants en charge de classe ; la participation des RASED aux conseils d’école, de maîtres et de cycles ; la participation des RASED aux formations de proximité organisées en circonscription ; la place de l’IEN dans la régulation des réponses apportées aux sollicitations dont fait l’objet le RASED (territorialisation, hiérarchisation, coordination avec d’autres types de réponses possibles…) ; le rythme et l’objet des rencontres entre l’IEN et le RASED ; la reddition de compte de l’activité du RASED et l’évaluation de ses effets (rapport d’activité, tableau de bord…). » Cette activité des Rased serait controlée par des indicateurs qui restent à construire et à installer pour calculer leur « plus value ».
« Pour jouer pleinement son rôle, le RASED doit être identifié et reconnu clairement dans l’expertise apportée grâce à la spécialisation de ses membres et, partant, dans sa complémentarité aux autres composantes du pôle ressource. C’est après cet examen fin de la panoplie globale des réponses possibles rapportées aux demandes exprimées par les équipes des écoles que l’IEN pourra déterminer d’éventuels besoins de renforcement de ces moyens et en faire part à l’IA-DASEN ».
C’est ainsi que les Rased devraient devenir des personnes ressources pour les enseignants. Le rapport recommande de « renforcer le pilotage » des Rased . Mais aussi de modifier leurs obligations réglementaires de service pour y inclure une participation à des formations de proximité à raison de 6 heures minimum.
Alors qu’ils sont centrés actuellement sur les demandes venant des classes où ils interviennent et se gèrent souvent en autonomie, les Rased deviendraient des formateurs des enseignants envoyés par l’inspecteur selon ses priorités. Le rapport demande la rédaction d’un « guide national » pour encadrer les actions des Rased et les coordonner avec celles des PIAL.
Une vieille histoire…
Cette volonté de « redresser » les Rased n’ets pas nouvelle. Entre 2007 et 2012 il y a d’abord eu une tentative de supprimer les Rased. C’est l’époque où le ministère supprime la formation initiale et déclare les Rased inefficaces et couteux. Un tiers des postes sont supprimés sur ces années. Depuis le nombre des postes est resté stable. Mais tous ne sont pas pourvus par des maitres spécialisés.
En 2014, le rapport des inspecteurs généraux Delaubier et Saurat reprochent déjà aux Rased d’intervenir hors de la classe. Peu après sort une circulaire qui donne aux Rased leur organisation actuelle. En 2017 une étude de l’IREDU met en doute l’efficacité des Rased. On retrouve dans le rapport actuel les apports de ces deux rapports, notamment la revendication d’indicateurs pour évaluer la plus value des Rased.
C’est le schéma classique du rapport suivi d’une circulaire qui se met en place actuellement. Ce rapport circule depuis des mois dans l’encadrement des académies. IL vient d’être publié par le ministère. Ce qui donne à penser que la circulaire ne va pas tarder..
» Nous ne sommes pas dupes : sous prétexte d’école inclusive, ce rapport dessine des orientations visant à modifier profondément la place, le rôle et les missions des professionnels des RASED, poursuivant une logique économique destructrice, avec le fameux triptyque effacer ou indifférencier les spécialisations (pédagogiques ET relationnelles) ; cantonner les enseignants spécialisés dans le rôle de « personne-ressource », tels des « experts-pompiers » … malléables, flexibles et polyvalents ; supprimer les aides directes au plus près des élèves, au profit d’un saupoudrage d’aides indirectes », déclare le collectif national Rased. Ce collectif regroupe les associations des maitres des Rased (Afpen, Fname, Fnaden), des syndicats (Cgt, Sud, Se Unsa, Sien Unsa, Snuipp Fsu, SUI), ainsi que la Fcpe et l’Agsas.
Il craint que le rapport conduise à « altérer considérablement le role et les missions des Rased » et à « un controle serré des équipes » .
La crise du Covid ne devrait pas retarder longtemps la manoeuvre ministérielle. Les Rased et leurs petits élèves sont rattrapés par la logique managériale lancée par le ministère.
François Jarraud
J’étais maître G il y a bien longtemps et déjà les IEN nous avait dans le colimateur !!
A quoi servait alors de nous former plus d’un an ds un IUFM ??
Lorsque j’étais inspectée, l’IEN voulait que j’aide ds les classes, ce qui était loin d’être ce qui m’avait été enseigné !!
BIZARRE cette Education Nationale pas capable d’accorder ses violons, déroutant même !!
Heureusement, j’en suis sortie !! YOUPI