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Billet d’humeur : Réflexion sur l’après confinement dans les écoles.
Comment l’Institution va gérer le « on ne laissera personne sur le bord du chemin » ? Voiture balai avec trousse de premiers secours (ah non, il y a pénurie, restriction budgétaire oblige…) ? Assistance respiratoire pour élève en état d’asphyxie ? Diagnostics avec délivrance d’ordonnances en direction de spécialistes libéraux ?
Pour ne laisser personne sur le bord du chemin, il faut accompagner et aller au même rythme. Sinon on risque de perdre quelques individus restés derrière, manquant de souffle. Nous avons tous fait l’expérience d’une ascension vers un sommet ardu. Il fallait être bien inspiré pour voir dans le gigantesque effort que nous réalisions, l’approche inexorable du graal : sommets enneigés, vue panoramique, faune sauvage… Sans cela, sans cette conviction qu’au bout nous serions ainsi récompensés de nos efforts, nous nous serions probablement arrêtés là, sur le bord du chemin ! Est-ce l’acharnement à se tenir à une aléatoire continuité pédagogique qui pourra aider les élèves essoufflés, ceux partis avec un caillou dans la chaussure ou qui l’ont récupéré en route à dépasser les obstacles d’un enseignement à la maison ? Non, le sommet semble avoir disparu dans les brumes ministérielles. Mais pour les autres, les marcheurs, les bons marcheurs, ils avancent ; ils iront probablement au bout du chemin et si quelques ampoules au pied les ont fait ralentir, ils avaient dans leur sac de quoi remédier au bobo.
Alors, si on ne pense à ceux qui peinent , qu’à l’arrivée, qu’au bout du chemin, il est fort à parier (cynique pari !) que certains ne seront déjà plus en vue et que nous aurons bien du mal à les retrouver.
Que pourrait-il être fait pour que certains élèves ne soient déjà plus sur le chemin à la fin du confinement ?
La question se pose donc bien maintenant ! Et c’est dès maintenant qu’il faut agir et se repositionner envers les familles. Non, il ne s’agit pas en ce moment d’avancer dans les programmes. Il n’est pas question de déléguer aux parents les compétences des enseignants dans les classes. Il est question d’aider au mieux les parents à accompagner leurs enfants dans la chose scolaire puisque les enseignants ne sont pas en ce moment sur le chemin qui emmène leurs élèves. Aider au mieux les parents , c’est peut-être déjà, entendre leurs inquiétudes, les rassurer sur l’après, reconnaître leurs efforts et leur implication à leur mesure et sans jugement de valeur.
Si on pouvait leur dire de ne pas s’inquiéter, que le retour sera particulier, exceptionnel comme le fût ce temps que nous venons de vivre, ce serait sans doute apaiser les tensions ! Nous nous sommes découverts les uns et les autres, petits et grands. On a reconstruit des relations, on s’est attachés à prendre soin de soi et des autres. Nous avons traversé ensemble une zone de turbulence qui n’avait pas de fin. Nous avons, de fait et parfois contraints, partagé nos angoisses et nos vieilles peurs revenues. Nous avons abordé ou côtoyé, sans le savoir peut-être, des questions nées de la nuit des temps, faisant de nous des philosophes empiriques.
Quelle richesse pour nous, pour nos enfants, pour nos élèves. Il y aura matière à dire et pour nous enseignants, matière à écouter et à entendre. Il ne faudrait pas rater ce rendez-vous. Là où chaque enfant aura sa part à apporter parce -qu’elle lui sera propre, personnelle et porteuse d’une émotion qu’il lui faudra ex-primer… faire sortir la pression. Il ne faudrait pas passer à côté de ce trésor parce-que trop occupés à remplir un cahier des charges obsolètes qui n’aura pas de sens.
Quels dommages causerions-nous si au bout du chemin, nous ne tenions compte que des élèves arrivés ? Des classes vides d’élèves se sentant concernés, des chaises porteuses d’enfants inquiets, des rangées de résignés, peut-être ! Un appel, le matin qui résonnerait creux.
A qui faisons-nous la classe, de qui sommes-nous les enseignants, qui servons -nous, nous , pédagogues ? Sur le chemin, nous ne laisserons personne … quand nous aurons repris le chemin, à l’école avec nos élèves, nous leur prendrons la main, là où ils sont et nous avancerons ensemble !