Assises de l’école maternelle
CNAM – 27 mars 2018
Emmanuel Macron
LE PRESIDENT : Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale, Madame, Monsieur le Ministre, Monsieur le Recteur de Paris, Mesdames, Messieurs les Recteurs, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs les Parlementaires. Mesdames, Messieurs.
Avant toute chose, je voudrais prendre conscience avec vous du caractère toujours un peu étrange de ces interventions en début de séminaire de travail, je ne viens pas les conclure et je ne viens pas avec la prescience de ce que vous allez échanger pendant deux jours. Donc j’arrive devant vous avec quelque humilité, mais quelques convictions aussi sur lesquelles je vais revenir, qui seront le cœur de mon propos, et qui sont liées au travail que depuis plusieurs semaines nous avons conduit ensemble, et qui permet, indépendamment de tout ce que vous allez discuter, et ensuite, mettre en œuvre, à fixer une part du cap.
Ensuite, il y a toujours quelque chose d’étrange en effet dans ces propos liminaires, c’est la frustration, pour ce qui me concerne, parce que je ne pourrai pas rester pendant deux jours avec vous, même si l’échantillon que je viens d’avoir m’en donne une envie furieuse. Parce que c’est rentrer dans l’intimité de la matière de cette matière humaine, à la fois affective, cognitive, qui a été décrite, tout à la fois par le ministre, Jean-Michel BLANQUER, puis, par Boris CYRULNIK, qui donne tout son sens à ce que vous faites au quotidien, et à ce qui est important de continuer à faire.
Enfin, avoir cette discussion aujourd’hui, ici, dans ce lieu, n’a rien d’innocent. Parce que je dirais que ce lieu, Monsieur l’administrateur général, vous l’avez parfaitement dit, a été fait pour cela, et dans cet esprit. C’est le lieu dans lequel ceux qui croyaient aux enjeux de la connaissance et du progrès social ont décidé de contribuer à l’édification de notre Nation, et qui depuis 1794 met, année après année, sa pierre dans les intuitions de Grégoire, comme vous l’avez parfaitement rappelé.
Parce que je dois dire que le destin de notre pays s’est toujours forgé, gravé dans son système éducatif, qui en est, non seulement le miroir exact, mais qui est aussi la fabrique dans laquelle il a décidé, à chaque instant, de penser son propre avenir, de le modeler, de le modifier, et d’en dessiner les perspectives. Et donc il y a toujours quelque chose d’éminemment politique au sens le plus noble et plus profond du terme, lorsqu’on parle en effet de l’Education, parce que c’est là qu’on construit la société qu’on a à faire et qu’on veut voir.
C’est dans cet esprit justement que je suis venu ici aujourd’hui parler de l’école maternelle. Car de tous les moments du parcours scolaire, l’école maternelle reste sans doute le plus méconnu de nos compatriotes, même si, comme vous l’avez rappelé, Monsieur le Ministre, elle est implicitement, et de fait, plébiscitée. Tous ou presque y recourent, mais sans toujours comprendre sa place entre la crèche et l’école élémentaire, et dans notre mythologie républicaine, l’école maternelle n’occupe pas toute la place qu’elle devrait occuper.
Alors, je suis venu aujourd’hui pour essayer, avec vous, de changer cela, et pour dire que, fort de ce qui a commencé à être dit et que vous allez, durant ces deux journées, pleinement éclairer, l’école maternelle est et sera davantage à l’avenir un moment fondateur de notre parcours scolaire français. A ce titre, j’ai en effet décidé, et la « captatio benevolentiae » du ministre allait largement en ce sens, j’ai décidé de rendre obligatoire l’école maternelle, et ainsi d’abaisser de 6 à 3 ans en France l’obligation d’instruction dès la rentrée 2019.
Alors, cette décision n’a rien d’anodin, puisque cette obligation était fixée à 6 ans depuis la loi Ferry, du 28 mars 1882. Il y a presque 136 ans jour pour jour. Après des siècles de débats politiques pour savoir s’il fallait fixer un âge obligatoire. Et depuis, l’âge d’instruction obligatoire a été modifié, mais uniquement deux fois, et à chaque fois, dans des périodes non-innocentes, si je puis dire, par Jean ZAY, en 1936 avec l’allongement de la scolarité à 14 ans, et sous le Général De GAULLE, qui la prolongea jusqu’à 16 ans en 1959.
Avec cette décision, je veux poursuivre l’œuvre d’égalité de progrès dans notre histoire éducative et l’illustrer. Cette égalité, c’est d’abord de cesser de considérer l’école maternelle comme une option, alors, certes, j’entends les voix qui disent : il y a 97 % des enfants qui sont scolarisés d’ores et déjà dans l’école maternelle. Mais parce que ça n’est pas obligatoire, ce chiffre moyen couvre des réalités profondément diverses et des inégalités profondément réelles.
Derrière ce 97 % de moyenne, il y a des pratiques profondément différentes d’un territoire à l’autre, avec – vous l’avez rappelé – des territoires ultra-marins où ce chiffre est beaucoup plus bas, il est à un peu plus de 80 % dans plusieurs des territoires d’Outre-mer, mais avec surtout des disparités dans la journée, ce qui fait que ce sont dans les quartiers les plus défavorisés, bien souvent, quand l’un, voire les deux parents ne travaillent pas, qu’on ne va pas remettre l’enfant à l’école, qu’on le reprend bien souvent en fin de matinée, parce qu’on ne veut pas payer la cantine ou qu’on ne peut pas payer la cantine et qu’on ne le remet pas à l’école l’après-midi.
Et donc derrière ce chiffre, qui paraît rendre insignifiant ce que je suis en train de vous dire, 97 % y sont déjà, que va-t-on le rendre obligatoire ? Il y a la réalité, qui sont toutes ces inégalités qui se sont levées dans la pratique, parce que, aujourd’hui, ça n’est, à la fois ni obligatoire ni pleinement reconnu. Et donc je souhaite que par cette obligation scolaire, à partir de la rentrée 2019, nous puissions avoir ce vrai travail de construction de notre égalité au quotidien, et que nous puissions par une assiduité de tous, qui concernera les enfants issus de tous les milieux, corriger ce différentiel que je viens d’évoquer, qui n’est plus acceptable.
Et c’est pourquoi cette mesure s’inscrit pleinement dans l’action que nous menons au quotidien, pour lutter contre la pauvreté et ses effets sur les jeunes enfants, pour lutter contre la fabrique ou la reproduction des inégalités profondes.
L’autre inégalité que nous voulons désormais éliminer, c’est l’inégalité devant le langage. Vous avez à l’instant parfaitement expliqué cela, cher Boris, qui est la clef de tout apprentissage.
Toutes les recherches, et là, je parle avec beaucoup d’humilité devant nombre de spécialistes qui sont présents dans cette salle, et le professeur DEHAENE au premier chef, nombre de spécialistes, et en particulier les neuroscientifiques, mais également beaucoup de linguistes ont démontré que la fabrique du langage se faisait dès ces années-là, et que la plasticité du cerveau, entre 3 et 6 ans, est particulièrement propice à l’assimilation du langage.
Or, nous constatons que c’est là, c’est à ce moment que les décrochages les plus profonds se fabriquent. En effet, vous l’avez rappelé, il y a ces fameux 20 % environ d’enfants qui, à la fin du CM2, ne savent pas proprement lire ou écrire ou compter et ou respecter autrui, ce qui fut la racine de la décision, entre autre, de dédoubler les classes en CP, CE1 en zone REP et REP+, mais 80 % des décrocheurs du système scolaire, ceux qui le quitteront à 16 ans, sans toujours savoir bien lire ou compter, sont au fond déjà en difficulté au CP.
Et donc, le système n’arrive à corriger qu’à la marge les inégalités cognitives qui sont fabriquées à 6 ans, au moment où nous commençons à rendre notre système obligatoire. Alors, je crois que ce qui a été initié tout au long de l’école élémentaire va permettre d’améliorer les choses, et en particulier, d’améliorer ce que, on mesure dans les tests internationaux, au CM1 ou au CM2, d’améliorer les chiffres que je viens d’évoquer, mais si nous voulons vraiment prévenir ce décrochage profond qui, ensuite, crée de l’exclusion sociale, qui ensuite crée une séparation dans la société, et parfois, les pires dérives, il nous faut pouvoir construire justement ce moment où on acquiert le langage, qui permet d’arriver dans de meilleures conditions au CP, et de ne pas avoir des élèves dont, parfois, une forme de déterminisme a marqué le parcours scolaire.
Prévenir le décrochage, permettre la réussite de chaque enfant de la République demande donc d’agir au plus tôt, parce qu’en moyenne, les enfants de 4 ans, issus d’un milieu défavorisé, auront entendu à cet âge environ trente millions de mots de moins qu’un enfant de 4 ans issu d’un milieu favorisé. Et c’est une réalité qui est là, et qu’on ne peut corriger que par cette capacité à plonger le jeune enfant à l’école maternelle dans un contact avec d’autres enfants, d’autres adultes, et dans ce rapport au langage, dans ce nouvel univers où il est rentré, qui crée tout à la fois des émotions et un apprentissage comme vous venez parfaitement de le décrire.
Compenser par l’apprentissage scolaire les inégalités sociales héritées de la naissance est à notre portée. Nous devons donc y consacrer un effort important, et beaucoup se joue à l’école maternelle. Il en va de notre capacité comme République à préserver la cohésion sociale en faisant de l’école le lieu où cette égalité réelle, celle qui efface ce déterminisme social, que je viens de rappeler, par l’éducation et l’apprentissage, et en particulier, par l’apprentissage du langage peut se faire. Ce faisant, je suis convaincu que nous ferons la bonne affaire que vous avez évoquée tout à l’heure en évoquant nos amis scandinaves, mais que nous pourrons aussi prendre un temps d’avance.
Le dernier défi que nous devons relever par cette obligation d’instruction à 3 ans, il est aussi et indissociablement d’ordre affectif. En effet, les trois années de maternelle sont celles où se créent les affects, l’attachement, la socialisation, et là-dessus, les travaux de Boris CYRULNIK, au-delà du propos qu’il vient d’avoir devant nous, sont profondément éclairants. Dans une société de plus en plus brutale, où en effet cette insécurité affective, que vous avez rappelée, est forte et est d’autant plus forte d’ailleurs qu’on vient d’un milieu modeste aujourd’hui ou qu’on vient de certains quartiers de la République, où la violence s’est instituée, nous devons tirer parti de ces études pour faire de l’école maternelle le lieu de constitution de la sécurité émotionnelle et de l’épanouissement affectif.
Nous voulons ainsi construire une école de la bienveillance où le cognitif et l’affectif se complètent. Parce que, comme vous l’avez dit, tout aujourd’hui nous permet de voir que l’un renforce l’autre, qu’en effet, le « en même temps » est vérifié et que nous n’inventons rien, mais qu’il faut pouvoir l’accompagner. Et contrairement aux idées reçues qui voudraient que les neurosciences s’opposent à l’humanisme, elles en sont le soubassement, il n’est pas d’apprentissage sans humanité, ni d’humanité sans apprentissage.
Je sais que pour déployer cette ambition renforcée, et ces combats que je viens de mener, nous pouvons compter sur vous. Nous pouvons compter sur ceux qui encadrent, ceux qui apprennent, sur les enseignants de maternelle, dont tous les parents savent combien ils sont remarquables et dévoués à leur mission. Je sais que ce que je viens de dire est leur réalité quotidienne, et qu’ils aimeraient pouvoir porter plus loin encore leur travail.
Nous savons tous aussi que la société ressent le besoin d’une pédagogie toujours plus ouverte et plus riche, aussi, la vocation de l’école de la République est de permettre que ces pédagogies soient accessibles à tous, et que les moyens de parvenir, dès la petite enfance, au meilleur équilibre entre ce cognitif et cet affectif, que j’évoquais, doivent être ouverts à chaque enfant. Il va de soi que dans ce dialogue entre le sensible et l’intellect, faire entrer à l’école maternelle les arts, la musique, toutes ces formes justement d’éveil qui accélèrent l’apprentissage et que vous venez de rappeler, sont essentielles et joueront un rôle accru, j’y tiens tout particulièrement.
D’autres acteurs sont essentiels pour accomplir ce travail, ce sont les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les ATSEM, dont vous avez rappelé, l’un et l’autre, l’importance. Dans le parcours que je viens de tracer, nous aurons besoin de toutes leurs compétences, de tout leur savoir-faire, car leur contact avec les enfants est dans la perspective que je trace, un trésor dont nous ne saurions nous passer.
Deux décrets, publiés le 3 mars dernier, viennent renforcer cette reconnaissance de leur rôle au sein de la communauté éducative, et je salue le travail des collectivités territoriales pour assurer dans les écoles la présence de ces personnels clefs. Mais nous savons, et ce sera sans doute, je l’espère, l’une des conclusions de vos travaux, nous devons aller plus loin encore sur ce sujet, et avec les maires, avec l’ensemble des élus qui accompagnent l’Education nationale dans ce travail, permettre d’aller au bout, non seulement de ces reconnaissances mais de la formation, de la pleine reconnaissance financière, statutaire qui doit aller avec ce travail, et dont vous avez rappelé que certains de nos voisins ont su le faire.
L’école maternelle est aussi le moment où le lien se créé entre l’institution scolaire et les parents, et c’est là aussi un lien fondamental qui accompagnera l’élève tout au long de sa scolarité, et si nous voulons en effet construire cette école de la confiance, à laquelle nous tenons tant, cette école de l’épanouissement, ce lien entre l’institution scolaire et le parent est indispensable, et c’est dès le moment de l’école maternelle qu’il se structure, se constitue avec ses règles propres, avec ses codes, avec la capacité aussi à apprendre aux parents parfois à être parents ou accompagner, poursuivre au-delà du temps scolaire ce qui est fait dans l’institution.
Et j’appelle de mes vœux en effet que par vos travaux, par les pratiques, nous puissions aller plus loin dans ce qui est déjà fait par beaucoup. Par cette obligation d’instruction et cette ambition nouvelle pour l’école maternelle, la France est en mesure de s’engager dans une troisième voie éducative, celle qui sait concilier l’exigence cognitive qu’on observe par exemple dans les pays asiatiques, et l’exigence affective que l’on voit s’exercer dans les pays du nord de l’Europe.
L’école française réussira – j’en suis sûr – cet équilibre en l’enracinant dès la petite enfance. Alors tout ne commence pas à 3 ans, je vous l’accorde, et je sais tous les débats qu’il y a, et que, d’ailleurs, vous avez à l’instant éclairés sur ce qui se passe avant 3 ans. Et nous devons donc veiller au continuum entre la très petite enfance, accueillie par les crèches et la petite enfance de l’école maternelle, c’est aussi pour cela que je souhaite qu’en lien avec l’Education nationale se poursuivent les expérimentations conduites dans les crèches, qui permettent d’accéder au langage, en tout cas d’accompagner ce cheminement, le parler bambin ou les innovations de ce type qui ont montré bien souvent leur efficacité, comme toutes les innovations que nous pouvons généraliser, construire ce continuum, développer aussi les innovations, les organisations qui permettent d’accueillir avant 3 ans, les enfants à l’école maternelle.
Porter une obligation en deçà de 3 ans est aujourd’hui presque intenable et pas toujours souhaitable, parce qu’avant 3 ans, cela dépend de la progression de l’enfant, cela dépend de la situation, mais ce qui est vrai, c’est que dans les quartiers les plus défavorisés, dans certaines conditions, il est parfois bénéfique de pouvoir ouvrir l’école avant 3 ans aux jeunes enfants, et cela, c’est précisément aux élus locaux, aux professionnels de l’Education nationale, de l’apprécier, et au gouvernement de donner les moyens de pouvoir le faire partout où c’est utile, où cela permettra de corriger encore davantage ces inégalités, et où cela sera pertinent pour l’ensemble de la collectivité.
Parce que dans ces toutes premières années, les enfants jouent une part importante de leur devenir, et la lutte que nous menons contre la pauvreté des enfants implique une attention toute particulière à ces années dont on n’a pas toujours mesuré l’importance, tant sur le plan de l’éveil de l’esprit, de l’insertion sociale que de la santé. C’est ainsi également que nous ferons de l’école une école authentiquement inclusive, nous le faisons sur le plan géographique, lorsque nous maintenons ouvertes des classes qui devraient fermer dans des territoires qui sont parfois plus fragiles ou menacés par l’enclavement, nous l’avons encore vu récemment.
Mais nous devons aussi nous montrer capables avec cette école de la bienveillance de mieux accueillir, intégrer tous les enfants en difficulté, et j’y reviendrai dans les mois prochains, mais également, les enfants vivant en situation de handicap. Ne nous y trompons pas, au sein de tous les sujets qui nous préoccupent aujourd’hui, ce sujet est fondamental, c’est celui qui engage peut-être le plus radicalement notre avenir, non seulement comme individu, mais comme Nation, comme peuple uni par des liens scellés dès la petite enfance, comme République prenant authentiquement en charge tous ceux qui aujourd’hui encore souffrent d’une forme de déterminisme social dont nous connaissons les ressorts, et que nous devons éradiquer profondément.
Cette ambition résonne avec tout ce que nous avons fait dans l’Education, pour ramener de l’égalité réelle à l’école primaire avec les dédoublements des classes dans les territoires les plus fragiles, avec la mesure des devoirs faits, qui permet aux élèves de faire leurs devoirs à l’école, avec le retour de la lecture et des langues vivantes et anciennes, avec l’ouverture du baccalauréat à des capacités plus variées, avec une orientation mieux articulée avec l’enseignement supérieur, avec une re-conception du temps scolaire et parascolaire autour du mercredi ; toutes ces pierres progressivement placées dans l’institution scolaire, dans notre édifice, concourent à la même perspective, la même, c’est de pleinement reconnaître le rôle essentiel de l’école pour construire une société et permettre l’épanouissement d’individus.
A chaque fois, c’est la même logique qui est faite. C’est de dire partout où l’inégalité se réplique parce que les familles ne sont pas placées dans la même situation, parce que pouvoir apprendre n’est pas possible dans la famille de la même façon, parce que pouvoir faire ses devoirs n’est pas possible de la même façon, parce que, être équipé face aux incertitudes de l’orientation lorsqu’on arrive après le bac n’est pas égal entre les familles, à chaque fois, nous avons voulu que l’institution scolaire puisse le corriger, puisse apporter une réponse pour construire justement la Nation que nous sommes, la reconstruire parfois, et pour permettre à chaque individu de construire son propre épanouissement.
Toutes ces réformes ont un horizon commun et une racine commune, faire de l’école, le lieu où l’on se construit dans et par le savoir, à la fois au plan personnel, affectif et professionnel, avec cette obligation d’instruction nouvelle, je veux que l’enseignement élémentaire marche sur ses deux jambes pour préparer nos jeunes compatriotes à un parcours plus réussi et plus fécond. C’est ainsi que nous poursuivrons ce progrès social dont nous sommes les héritiers et qui n’est un legs vivant que pour autant que nous le perpétrions.
La République s’est inventée dans et par l’école, et c’est à l’école aujourd’hui, encore plus peut-être que jamais, que se tissent l’étoffe de ce bien commun qu’est notre démocratie et la responsabilité qu’elle nous donne les uns envers les autres, mais aussi envers le monde qui nous entoure. Dire cela en cette semaine n’a là aussi rien d’innocent, à chaque fois que notre Nation est frappée en son cœur, d’aucuns ont tendance à vouloir la déchirer en ne traitant que les symptômes, nous avons énormément fait malheureusement parce que nous avons beaucoup appris en ne regardant que les symptômes de toutes les déchirures de notre société.
Mais ce qui s’y passe s’y est aussi construit, et s’attaquer à la cause profonde, à une part de la cause profonde, une part qui se love en nous, c’est dans et par l’école, et c’est en construisant cette école de la bienveillance et de l’épanouissement aussi qu’on construira une génération qui trouve sa place dans la société, qui construit son épanouissement, qui n’aura plus à céder aux pulsions de mort qui finissent par fasciner quelques-uns parce qu’il n’y ont pas construit leur propre avenir, et que nous éradiquerons en profondeur aussi dans notre société pour la génération dont nous avons la responsabilité aujourd’hui, je ne parle malheureusement pas de celle qui a déjà grandi.
Mais que nous arriverons – je l’espère, je le crois profondément – à prévenir le pire. On construit une Nation et on a toujours construit la République dans l’école. Et je ne veux pas dire à ce titre que l’école doit porter et corriger à elle seule tout ce que la société a embarqué d’injustices, de traumatismes ou de dérives. Mais elle a beaucoup à faire dans cette entreprise. Et c’est pour cela que depuis le premier jour, vous m’avez toujours vu la soutenir et vouloir avec elle et pour elle, parce que je sais une chose, c’est que lorsqu’on abandonne l’école, lorsqu’on a moins d’ambition pour elle, lorsqu’on cède un pouce d’excellence pour chaque enfant de la République, alors, on abandonne un espace, alors on abandonne une promesse, et parfois, on peut être amené à le regretter terriblement.
Alors l’exigence que vous portez au quotidien, de la maternelle au plus grand âge, est essentielle pour notre Nation, elle l’a toujours été, mais elle l’est aujourd’hui plus encore qu’hier, parce que je n’oublie pas le beau mot de Victor Hugo : « à chaque fois qu’on ouvre une école, on peut se promettre de fermer une prison », et c’est vrai. Hugo était un humaniste et il avait profondément raison, on ne fermera pas les prisons pour ceux qui ont déjà connu la dérive, mais on s’évitera d’en ouvrir d’autres pour cette génération qui est dans vos écoles, qui entrent à la maternelle et qui est aujourd’hui notre responsabilité et notre chance.
C’est pour toutes ces raisons que je crois très profondément que notre pays mérite d’être une Nation de citoyens éduqués, d’individus épanouis, et que, vous l’avez compris, ma conviction est que la vocation de la France est d’être digne de la promesse que vous portez, je vous remercie. Et bon courage.